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Chaussures, Chaussures, Initiatives RSE

Eco-friendly vs tradition

ASH emboîte le pas de la tendance

Après avoir popularisé des modèles iconiques, la marque de chaussures innove avec des combat shoes et des sneakers éco-responsables. Interview du cofondateur Patrick Ithier.


Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai débuté chez Charles Jourdan. La société m’a envoyé au Brésil pour développer le marché local et surtout, trouver des sous-traitants pour les États-Unis. En rentrant, j’ai créé Mosquitos puis suis resté près de 5 ans chez Stéphane Kélian. Je ne dessine pas. Je travaille avec mon œil, mon nez, je suis un homme de produit.

Racontez-nous la genèse de la marque ASH ?
En 2001, avec mon associé Leonello Calvani, nous avons créé ASH Italia, société italienne basée à Florence. A cette époque, nous fabriquions en Italie, chez le frère de mon collaborateur. Nous travaillions la boots, les matières végétales, les petits compensés… Après deux années de développement et fabrication, nous nous sommes rapprochés d’un groupe taïwanais, basé en Chine. L’outil de production chinois date des années 2000, alors que les Taiwanais étaient déjà compétents en matière de chaussures. J’avais en tête de développer un produit sport à la mode. Au départ, ce groupe industriel n’était pas orienté dans cette direction. Nous avons testé un article, style Conserve, en cuir tanné avec des agents végétaux muni de boucles. Ce modèle existe toujours. Nous avons très vite grossi grâce à la clientèle européenne, mais nous avions une couverture bancaire étroite. Nous nous sommes associés avec notre fabricant. Il finançait la manufacture, envoyait la marchandise à nos clients et nous payait en retour. Cela nous a permis d’évoluer avec un outil solide, structuré, dynamique au fort savoir-faire.

Quels sont vos modèles phares ?
Pour se faire connaître, il faut se positionner soit sur le luxe, soit avec un produit sympa ayant un bon rapport qualité/prix. La sandale studs existe depuis 15 ans. Les bikers ont très bien fonctionné entre 2009 à 2012. Et la Bowie, une wedge sneakers (basket compensée), est toujours déclinée dans différents volumes.

Photos campagne Automne/hiver 2020 @Ezra Petronio

A qui vendez-vous ?
L’Europe est notre plus gros marché et précisément l’Italie. Nous y commercialisons 65 % de notre main line (ligne principale) et 45 % de chaussures sport. Le volume d’affaires de ce secteur a un peu baissé, ces deux dernières saisons, mais, en Asie, il représente 85 % des ventes. Nous continuons de travailler la wedge sneaker en Asie.

Quid du marché français ?
Ce n’est pas celui où nous réussissons le mieux. La France est touchée économiquement et ne s’intéresse pas vraiment à la mode, à part le sud. Dans les villes de 20 à 30 000 habitants, les détaillants sont sur une fourchette de prix de 80 à 150 €. Or nos tarifs vont de 180 et 300 €. Nous sommes presque une marque de luxe pour ces gens-là ! En Italie, sur une ville de 30 000 habitants, vous avez au moins 2 super détaillants capables de vendre des marques haut de gamme. Les Italiens adorent la mode. Ils sont passionnés par les accessoires, les détails, les voitures, la décoration… Malgré la crise, ils achètent ! De manière plus générale, les boutiques évoluent. Celles qui réussissent le mieux ont pris le pas d’inclure du prêt-à-porter et de proposer un total look. En Italie, nous sommes à 70 % dans ce genre de magasins et nous avons le triple de clients.

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Qui vous représente auprès des revendeurs français ?
Dès 2002, nous avons eu un distributeur : Ash Distributions. En 2018, nous avons décidé de mettre fin à notre collaboration. Ils ont fait du bon travail en volume, mais moins en qualitatif alors qu’en Italie nous bénéficions d’une très bonne aura. Nous repartons sur le terrain avec 2 agents commerciaux exclusifs qui rencontrent leurs clients lors de présentations privées dans des hôtels. Le marché repart doucement ; nous avons de bons résultats avec nos sandales d’été. Nous devrions progresser si rien de grave n’arrive… Et peut-être rouvrirons-nous une boutique à Paris ?

Possédez-vous un e shop ?
Oui mais, pour l’instant, il est géré depuis Hong Kong et le % de ventes est ridicule. Pour l’été 2021, notre e-commerce sera basé en Europe et je pense qu’il va augmenter suite à ce qui s’est passé ces derniers mois.

« L’éco-responsablité est une tendance, une réalité et nous voulons en être »

Vous lancez RE/ASH, une ligne éco-responsable. Comment comptez-vous adapter votre model process (délocalisation de la fabrication, sourcing matières…) à la réalité de cette nouvelle économie ?
Il y a une dizaine d’années, la Chine était un pays polluant. Le gouvernement a fait la guerre aux industriels et ils ont fait un effort incontestable sur ce plan. La Chine, malgré les critiques, fournit quand même le monde entier en tissus éco-pensés. Nous travaillons sur les matières, des semellages… Pour l’été 2021, nous créons deux nouvelles structures et une troisième pour le marché asiatique. Ce qui fera 6 articles eco-friendly. A court terme, notre collection sport le sera à 80 %. C’est plus compliqué pour la ligne principale à cause des matériaux de base. Quand nous aurons assez de produits, nous leur dédierons une chaîne de production. Enfin, pour ce qui relève du transport, 90 % de notre activité se fait en bateau.

Quelle est la réaction de vos revendeurs vis-à-vis de cette nouvelle offre ?
Aujourd’hui, le détaillant, français ou autre, fait très attention à ses achats, mais il est réceptif. La proportion de ventes sur ce type d’article est actuellement de 10 à 15 %, mais elle augmentera dans le futur puisque nous proposerons plus de choix.

Quelle est la part du sac dans votre business ?
Aujourd’hui les femmes recherchent des modèles de marques de prestige, même si elles n’en ont pas les moyens. Il faut peut-être sortir du sac traditionnel ville, trusté par le luxe ! Jusqu’alors nous n’avions pas l’outil d’exécution adéquat et nous n’étions pas concentrés sur ce développement. Mais nous avons recruté une styliste sacs et accessoires pour les coordonner à nos meilleurs thèmes chaussures et proposer les bons volumes. Pour l’été 2021, nous avons travaillé des modèles plus atypiques, plein été, qui collent à l’esprit de la collection, notamment à nos sandales cloutées et à la ligne de prêt-à-porter.

Avez-vous l’ambition de devenir une marque globale ?
A court terme, si on ne le fait pas, on risque d’avoir des soucis. Le marché va dans ce sens.

Propos recueillis par Florence Julienne

Ash en quelques chiffres

L’entreprise réalise 4 collections par an : 65 modèles pour la ligne principale déclinés en 3 versions. 64 pour la ligne sport, également réalisés en 3 versions, auxquels viennent s’ajouter 18 autres pour le marché asiatique avec deux nouvelles semelles.

En 2019, Ash a vendu 834 000 paires de chaussures : 254 000 en Europe, dont 170 000 en Italie ; 174 000 en Chine et en Russie, où la marque possède 6 boutiques en propre ; 52 000 en Grande Bretagne ; 42 000 en Corée ; 5 000 au Japon…

Elle compte 900 points de vente en Europe et entre 120 et 140 en France.

Elle possède 75 boutiques en propre dans le monde, mais n’en a aucune en France, seulement un corner aux Galeries Lafayette et une boutique Ash Concept (Saint-Tropez), qui vend également d’autres marques d’accessoires et de prêt-à-porter.