Cartier : les bijoux excitent-ils nos sens ?
En quoi les bijoux peuvent-ils favoriser l’intuition, la clairvoyance, les perceptions extrasensorielles… ? Le beau livre Sixième Sens par Cartier, édité par Flammarion, tente d’y répondre à travers une collection éponyme. Extraits par l’auteur François Chaille.
Exciter tous les sens, les faire se répondre et s’entremêler dans une danse enivrante : à cet exercice, donc, Cartier excelle depuis l’origine. La collection Sixième Sens par Cartier porte cet art.
La magie des sens
Cette magie des sens que suscitait la profusion multicolore de pierres vives fut largement encouragée dans la Maison par Jeanne Toussaint. Collaboratrice de Louis Cartier depuis environ 1920 et directrice de la création à partir de 1933, elle adorait ce « style indien », dont la luxuriance apportait au style moderne de Cartier poésie, féminité et fantaisie. Pour celle qu’on surnommait « la panthère », les bijoux devaient enchanter le regard, le toucher, tout en racontant une histoire qui faisait s’évader dans un rêve. En trois dimensions, généreux, fluides, audacieux, ils s’accordaient à la femme nouvelle, libérée des carcans du « bon ton ».
L’ivresse des sens
Depuis, chez Cartier, des pierres taillées en boule ou en goutte appellent la caresse, des formes organiques et des couleurs flamboyantes s’ouvrent sur des jardins enchanteurs. Le joyau figuratif s’échappe de la réalité. Il emporte les sens vers des contrées imaginaires où la profusion du régime de dattes en rubis d’un palmier peut palpiter comme un cœur, où — dans la collection Délices de Goa en 2003 — une myriade de boules d’améthyste ou de turquoise évoquent la fantaisie d’une grappe mûre qu’un Bacchus s’apprête à mordre.
L’ésensuel
Cartier insista sur la sensualité des textures, dans le droit-fil des compositions souples et légères du « style guirlande », avec ses franges, ses drapés, emblème du joaillier au début du XXe siècle. À partir des années 1950, surtout, celui-ci développe des compositions très féminines incitant à des explorations tactiles : par exemple de l’or gravé, torsadé, fileté, ou bien s’égrenant en longs et langoureux chapelets souples. Ce travail de la matière trouve l’un de ses plus beaux accomplissements au tournant du troisième millénaire : la collection Paris Nouvelle Vague appelle irrésistiblement le toucher, avec ses colliers plastron draperie aux multiples rangs de boules d’or jaune ou ses bagues dites « perruque » aux boules d’or et aux franges mobiles.