Fédération des Détaillants en Chaussures de France
Interview de Jean-Pierre Gonet
« Les magasins les plus avant-gardistes vendent de la maroquinerie,
des bijoux Fantaisie, des foulards et des ceintures »
Après avoir été chausseur pendant 43 ans et membre actif de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France (FDCF), créée en 1919, Jean-Pierre Gonet a été élu président en septembre 2020. À travers cette interview, il porte un regard expert sur la profession de chausseur et dresse un constat : l’évolution de ce métier passera par une diversification de l’offre.
Par Florence Julienne
Quelle est la mission de la FDCF ?
Jean-Pierre Gonet : Le plus important, c’est la défense et la représentation de notre profession auprès des services publics. Apporter un soutien et une écoute efficace en particulier juridique : un souci de bail ou de prud’hommes, l’adhérent peut demander conseil auprès de nos deux avocats spécialisés (un dans le social, un autre dans le droit commercial) ou aller au tribunal avec l’avocat de son choix. Les deux premières instances sont prises en charge par notre protection juridique.
Comment la FDCF s’adapte-t-elle à l’évolution du commerce de détail ?
Grâce à notre Conseil Fédéral, réunissant 24 membres bénévoles, et pour la plupart détaillants, nous faisons remonter des informations qui nous permettent de savoir quelles sont les tendances du marché — ce qui se vend et ce qui ne se vend pas — et ce qu’il serait bon que notre communication interne mette en avant. Ainsi, nous nous sommes aperçus qu’il y avait des carences dans la réalisation des vitrines, l’aménagement des magasins, l’éclairage ou la sonorisation. Nous devons retrouver un esprit boutique.
La FDCF va-t-elle à la rencontre des professionnels sur les salons ?
Nous exposons sur le principal salon qu’est Crecendo. D’ailleurs, pour la prochaine édition fin février, notre stand va être agrandi pour que nous puissions organiser des petits forums sur des thématiques précises comme : Comment bien chausser l’enfant ? Comment faire sa vitrine ? Faire face à un problème économique. Et, très important, la formation proposée par la FDCF.
Quelles sont les attentes des consommateurs ?
Post-Covid, de nouvelles questions ont émergé : est-ce que j’ai vraiment besoin d’une nouvelle paire de chaussures ? Où sont produits les modèles ? Dans quelles conditions ? D’où vient le cuir ? Comment est-il tanné ? Nous devons faire la preuve de notre approche écoresponsable. Pour cela, nous encourageons la formation du personnel tant en gestion qu’en connaissance produits. Les clients veulent du conseil et de la compétence. Nous devons renouveler l’expérience achat pour qu’ils retrouvent, au-delà du prix, le plaisir du shopping.
En quoi l’offre des détaillants chausseurs reflète-t-elle les préoccupations environnementales des clients ?
Chez les indépendants, l’essentiel de la production vient d’Espagne, du Portugal ou d’Allemagne. Certes, c’est un trompe-l’œil car beaucoup d’articles sont fabriqués en Asie. Mais cela veut quand même dire que les chausseurs français achètent principalement des modèles en circuit court. À moins de se regrouper ou d’acheter à un grossiste, ils ne peuvent pas commander les quantités minimums demandées par l’Asie.
Que pensez-vous de la diversification au sein des boutiques ?
La diversification de l’offre est une piste souhaitable. Les magasins les plus avant-gardistes vendent un peu de maroquinerie, des bijoux Fantaisie, des foulards, des ceintures. Ce ne sont pas des gros volumes, mais ils mettent en valeur une boutique qui devient, dès lors, un salon de chaussures, où l’on peut tout autant découvrir une collection de chaussures, respirer une ambiance, recevoir des conseils… Là est notre cœur de métier. La vente d’autres accessoires que la chaussure va apporter du chiffre d’affaires additionnel. C’est une réponse face à la concurrence des market places sur Internet. Encore faut-il être bien informé, d’où la consultation de revues comme C+ accessoires, qui devient indispensable.
Conseillez-vous aux détaillants de se digitaliser ?
La formation digitale a été notre action majeure pendant le Covid. Beaucoup ont voulu initier des sites de e-commerce, mais je les ai ramenés à la raison. Pour vendre sur Internet, il faut des photos, des textes, des connaissances pour le référencement Google, un outil de liaison avec les stocks… Créer un site vitrine avec quelques photos du magasin, la mention des heures d’ouverture, les marques référencées, les produits phares… est déjà formidable. Au-delà du site vitrine, il faut aussi faire vivre les réseaux sociaux.
Quid de la vente de seconde main ?
Il me semble difficile d’avoir un rayon de seconde main, car une chaussure qui a été portée est déformée et défraîchie.. Quant à la reprise d’anciens produits, en échange de bons d’achat, j’appelle cela des opérations commerciales, des remises déguisées.
Quel lobbying menez-vous auprès des autorités pour défendre vos adhérents ?
Notre dernière opération a porté sur les dates des soldes. Lors des Assises du Commerce, j’ai dit au ministre de l’économie « Monsieur Le Maire, il n’est pas normal de commencer les soldes le premier jour de l’été alors que le Covid a retardé les livraisons ». Il m’a répondu « les soldes, je ne veux plus en entendre parler. Mettez-vous d’accord entre vous ». Avec 4 567 chausseurs multimarques, nous n’avons pas beaucoup de poids. C’est pourquoi nous avons formé un collectif d’équipement de la personne avec la Fédération Nationale de l’Habillement, la Fédération Nationale des Détaillants en Maroquinerie et Voyage et la Fédération de la Lingerie. Avec 40 000 commerçants, nous sommes plus forts. Les soldes doivent retrouver leur raison d’être qui est d’assainir les stocks en fin de saison avec des réductions de 50%, des ventes à prix coûtant ou même à perte.
Quel est votre souhait en tant que président de la FDCF ?
Être au plus près des préoccupations de mes confrères et encore plus à leur écoute. J’aimerais que la nouvelle génération de chausseurs s’implique et prenne des responsabilités au sein de notre fédération, eux savent comment faire évoluer les magasins, en revoyant l’aménagement de leur boutique et en s’appuyant sur le numérique.
La Fédération des Détaillants en Chaussures en France en quelques données
18% des 4 567 chausseurs français sont adhérents de la FDCF
26% d’entre eux travaillent seuls ou avec leur épouse (TPE)
70% ont un seul magasin, 30% ont entre 2 et 9 magasins. Les franchisés peuvent adhérer.
Au-delà de 10 boutiques, ils sont considérés comme succursalistes et ne rentrent plus dans les critères d’adhésion de la FDCF.
Le montant de l’adhésion anuelle à la FDCF est fixé à 155€ et donne accès à de nombreux avantages, notamment la protection juridique avec la MACIF, partenaire de la FDCF.
Une personne et demie sont employées à la FDCF. Les 24 personnes qui font partie du Conseil Fédéral travaillent gratuitement.
Les détaillants chausseurs français en quelques chiffres
Le secteur concentre un tout petit peu moins de 10 000 emplois
Le chiffre d’affaires moyen par entreprise est de 465 000€
Les chaussures femme représentent 50% des achats, une part en baisse car elle était de 57% avant le Covid. Les chaussures hommes 18%, les chaussures enfants 21% (ce qui a été perdu chez la femme se retrouve chez l’enfant), les accessoires 4%. Le reste est composé d’articles chaussants comme les pantoufles, les chaussons…