Eloge du magasin. Contre l’amazonisation
Magasins multimarques, grands magasins, e-shops…Dans son livre, Vincent Chabault souligne le bénéfice humain du commerce et se projette dans l’avenir.
A travers les différentes formes existantes, tous secteurs d’activité confondus — les marchés, les boutiques africaines autour du métro Château Rouge, les centres commerciaux, les boutiques de luxe, les grands magasins, les friperies…— le sociologue Vincent Chabault pointe du doigt le lien social, culturel, familial… inhérent à la relation commerciale. Son écriture est accessible, enlevée ; son descriptif est précis et croustillant. On y apprend, pour l’anecdote, que le fondateur Henri Darty, un réfugié polonais, a commencé dans la confection masculine avant de se lancer dans l’électroménager, « l’administration parisienne lui refusant la transformation de la nature du bail » ; ou encore que les détaillants adaptent leur langage à leur interlocuteur : « dans les beaux quartiers, le commerçant affecte toujours une grande politesse, voire un certain air de larbin, envers les clientes tandis que le boutiquier des quartiers populaires parle avec ses clients comme avec des gens de la même classe sociale bien que ses revenus soient presque toujours supérieurs à ceux des ménages ouvriers ». Mais ce qui ressort de ce livre, c’est la bienveillance envers les magasins, au point même de ne pas rentrer dans le sempiternel débat boutique physique/plateforme digitale pour prouver les bienfaits du click & collect (que l’écrivain nomme relais colis). Enfin, et sans vouloir spoiler l’ouvrage, impossible de passer à côté de sa vision du futur. Son pronostic est à contre-courant du retail apocalypse dont on entend malheureusement parler du fait de la raréfication des multimarques en centre-ville, des vacances dans les centres commerciaux ou de l’hégémonie économique des acteurs comme Amazon, Alibaba… dont Doug Stephens nous dresse un portrait anxiogène, pour le petit commerce, dans son livre, à paraître en mai 2021 : « Resurrecting Retail : The Future of Business in a Post-Pandemic World ». A contrario, Vincent Chabault prône une évolution vers « un commerce de précision pour une consommation dé-massifiée » : « le « beau métier » du néo-commerçant, épanouissant et porteur de sens (autonomie, faire soi-même, travail manuel, absence de hiérarchie) se substituerait à la « bonne situation » comme horizon social de jeunes individus diplômés et urbains ». Le magasin ne serait plus alors uniquement un lieu de consommation ou de divertissement. Il deviendrait un espace de construction identitaire (autour d’une éthique par exemple) pour une clientèle, non plus désignée par son pouvoir d’achat, mais par son ambition à placer l’éducation au cœur du work process. Un livre bienveillant, disais-je…
Par Florence Julienne
Eloge du magasin, Contre l’amazonisation par Vincent Chabault, Ed. Gallimard, 174 pages, 18 €.
A propos de la Retail Apocalypse
Comment survivre à l’avenir du commerce de détail