Make up : plein la vue !

À l’image des défilés de mode qui s’apparentent de plus en plus à des méga happenings (red carpet, photo call, front row, scénographies, chorégraphies), la mise en beauté des visages de l’automne-hiver 2023/2024 en met plein la vue à celles auxquelles les collections s’adressent. À commencer par la clientèle moyen-orientale, cible des marques de luxe, dont le regard est la seule partie visible de l’anatomie. Focus sur les yeux, donc, avec un make up qui privilégie l’intensité du regard

Noir c’est noir

La plateforme Livetrend a identifié 4792 total looks noirs sur les défilés, soit une augmentation de 16% par rapport à l’hiver dernier. Des notes intenses aux abysses les plus sombres, le noir s’impose. Monacal, mystique, gothique, chic, mystérieux, transgressif (avec des ajourés), séducteur (grâce à de suggestives transparences) le noir en fait voir de toutes les couleurs au vestiaire féminin.

Un paradoxe, à notre époque, si on tient compte du fait que le noir est l’une des couleurs les plus polluantes pour l’environnement (c’est vrai pour toutes les couleurs foncées et encore plus pour les fluos). Mais aussi le reflet d’un fait : durant les Fashion Weeks, les démarches RSE des marques de luxe sont mises au rencard, au profit du spectacle et des effets de style. De fait, on peut imaginer que des faux noirs (par exemple des tissus teints de manière végétale) vont pointer, à l’aube des nouvelles saisons. Différentes nuances de gris sont d’ailleurs déjà présentes sur les défilés (1227 looks soit une augmentation de 31% par rapport à l’hiver passé).

Matière : le denim incarne le Quiet Luxury

« Rich is loud, wealth is silent » (la richesse est bruyante, la richesse est silencieuse), tel est le credo de la nouvelle tendance Quiet Luxury, qui repose sur l’idée que les personnes qui ont vraiment beaucoup d’argent n’ont pas nécessairement besoin de le montrer. La toile Denim incarne cette richesse qui se veut discrète.

C’est particulièrement vrai sur des tissus bruts, d’apparence simpliste, mais qui peuvent s’avérer être des toiles Selvedge, bien connues des connaisseurs (des toiles tissées sur d’anciens métiers bénéficiant de bords finis pour plus de résistance). Mais cela est encore plus évident via des sophistications premium : effets de résine 3d, reflets glacés, impressions au lazer (pour évoquer la dentelle), striures, flocages, ornementations ou encore toile jacquard, particulièrement prisées par les marques de luxe.

Mais le denim, c’est aussi l’expression d’une subculture qui se traduit par des jeans délavés, blanchis, des aspects usés et des déchirures. Pour l’automne-hiver 2023/2024, le denim aux reflets jaunâtres s’impose. Cela donne un aspect dirty (sale), d’inspiration grunge. + 140%, c’est le taux d’augmentation, remarqué sur les shows, de denim infusé, comprenez imprégné d’une autre couleur que la toile classique.

Enfin, le plus frappant, c’est la nostalgie vintage qui va de pair avec la tendance recycling/upcycling du denim. À ce jour, c’est le positionnement le plus aligné avec la responsabilité environnementale de la mode. Cela donne des mix and match de matières et coloris, un style rescapé des années 70.

Motifs : des fleurs pour un jardin d’hiver

En mettant le camélia, sa fleur fétiche, à l’honneur, Chanel a continué d’impulser la tendance florale hivernale qui sied à la féminité retrouvée des collections automne-hiver 2023/2024. Mais si les imprimés fleuris continuent d’être au top (vus sur 946 looks), ils sont légèrement en baisse (-18%), au profit d’abstractions rappelant les érosions ou de nouveaux camouflages.

La nostalgie se cache dans les fleurs bucoliques, rappelant la tapisserie d’intérieur, mais le plus grand défi, pour renouveler le genre, est la réinterprétation des motifs classiques avec une touche contemporaine. En espérant que le proverbe « Automne en fleurs, Hiver plein de rigueur » ne signera pas l’humeur saisonnière.

À noter que, d’un point de vue quantitatif, les imprimés ont perdu 14 % de leur visibilité et les motifs 8 % lors des défilés de la saison automne-hiver 2023/2024.

L’accessoire saisonnier : la cravate, avec ou sans costard

Comme pour contrebalancer l’effet de levier opéré par une affirmation d’un genre féminin (en opposition avec la tendance non genrée), la cravate, accessoire masculin par excellence, fait son apparition dans le vestiaire femmes. Portée comme un ornement, et non comme un élément fonctionnel, la cravate se noue à l’ancienne, mais se porte tout autant avec un costume, un jean ou une robe en dentelles.

« La cravate est passée d’un objet vestimentaire contraint socialement et normatif à un objet vestimentaire de plaisir, librement consenti », confirme Thomas Zylberman, du cabinet de tendances Carlin, au magazine Le Point. « Elle ne signale plus l’appartenance à un groupe ou l’adhésion à des conventions, elle exprime la personnalité de la personne qui la choisit. Elle vient justement révéler sa fantaisie », ajoute Christophe Goineau, directeur de création de la soie masculine chez Hermès.

Pierpaolo Piccioli pour Valentino en a fait la pièce phare, tant pour hommes que pour femmes, de sa collection automne-hiver 2023/2024, suivi par de nombreuses personnalités féminines qui affirment ainsi leur self power (Cate Blanchett, Monica Belluci, Léna Mahfouf, etc.). Néanmoins, au-delà de l’effet de mode, la cravate reste un attribut masculin, à voir le nombre de filles qui posent nues (ou presque) sur les réseaux sociaux, avec le hashtag tie ou cravate.